mercredi 30 novembre 2016

Les confidences de Théophile

Les entretiens du dimanche
12
Les confidences de Théophile

Ce dimanche-là, le temps était maussade; il faisait froid. Candide avait probablement dû renoncer à son vélo car elle était en retard. Théophile avait passé une mauvaise nuit, réveillé par sa maladie; il avait eu du mal à se rendormir, ce qui est exceptionnel pour lui.

Et ce matin, son ami Louis l'a appelé au téléphone. La journée d'hier avait été pénible pour Louis; son épouse est atteinte d'une maladie dégénérative, et depuis quelques jours, elle refuse de s'alimenter, chaque repas vire à la bagarre pour lui faire prendre un peu de nourriture. Il est très fatigué. Et puis, sa santé s'est dégradée, et les médecins envisagent une opération exigeant une longue convalescence, et tout effort physique lui étant interdit pendant celle-ci. Qui allait s'occuper de son épouse? Comment allait-il assurer les occupations quotidiennes? Comment s'organiser? Louis est résolument opposé à l'idée de mettre son épouse en maison de santé ou d'accueil, car il a vécu une expérience peu rassurante avec son frère, aujourd'hui décédé.

Théophile savait que son ami souffrait d'une mise à l'écart quasi générale et que c'est une  grande souffrance que de se savoir ainsi abandonné, même si ses pairs lui affirment qu'ils prient pour lui et son épouse … mais par l'entremise d'une carte postale annuelle. Il a même était exclus de tout groupe, bien qu'il accepte à regret cette exclusion sachant qu'il ne lui est pas possible de se rendre aux réunions; "on" aurait pu le lui apprendre par un appel téléphonique!  Ce n'est pas que de prières dont ils ont besoin tous les deux, mais de chaleur et de présence humaine. Ah! Où sont-ils tous ceux qui lui donnaient du Louis notre diacre, long comme le bras, et qui ont disparu subitement quand le successeur du prêtre que Louis aimait tant l'a <viré>?

Ordonné diacre deux ans après son arrivée, venant d'un autre diocèse où il avait commencé le cheminement commun à tous les futurs diacres, il avait été accueilli fraîchement, sauf par le prêtre qu'il connaissait; d'ailleurs, Louis avait toujours du mal à maîtriser une vive émotion à l'évocation de cet homme, un pasteur toujours disponible. Louis disait que ce prêtre avait été pour lui un guide et un exemple, un prêtre à l'image du saint curé d'Ars. Hélas pour Louis! ses propres soucis de santé, et ceux de son épouse handicapée, l'avaient contraint à demander à son évêque de mettre un terme à toute mission en Église.

Il n'était pas "politiquement correct" de par son originalité. Il était revenu en Bourgogne après une longue absence due à ses études, achevées pourtant à ses 24 ans, son service militaire plutôt long à cause des événements (3 ans), et un tour de France pour sa carrière professionnelle. Pour beaucoup de gens à l'esprit étroit, il était comme un étranger; on avait même été jusqu’à le traiter d'immigré! Et puis, une homélie percutante n'avait rien arrangé. Depuis, Louis vivait dans l'isolement, aggravé par l'évolution de la maladie de son épouse, très handicapée, incapable de marcher, dont il fallait parfois s'occuper comme d'un enfant; il lui consacre tout son temps. Louis est de plus en plus fatigué, voire épuisé certains jours. Quelquefois, sa thyroïde lui joue des tours; alors, il est irritable, et sa situation domestique lui pèse et le désespère. Heureusement que leurs enfants sont pour eux deux un soutien, mais leur vie familiale et professionnelle les tient éloignés.

Théophile en était là de ses réflexions quand Candide arriva. Fine observatrice, elle vit que Théophile était morose.
-"Comment vas-tu, mon ami? Qu'est-ce qui ne va pas?"
-"Tout." Et Théo lui fit part de ses propres soucis personnels, de son découragement, de ses craintes à cause de sa santé, de la tristesse parfois insupportable de leur existence, à lui et son épouse. Il lui fit part de l'appel de son ami Louis. Il dit à Candide combien il se reconnaissait dans l'épreuve vécue par son ami! Comme il comprenait son ami Louis! Quel secours lui apporter? Quelles paroles vivifiantes lui dire? Comment l'aider à continuer à se battre, pour son épouse mais pour lui aussi? Louis vit un diaconat familial, un service au sens le plus noble du terme. Théophile sait que Louis prie le Père, le Fils, qu'il appelle l'Esprit Saint à son secours, qu'il implore la Vierge Marie, qu'il se confie à sainte Élisabeth de la Trinité, comme il le fait, lui, Théophile. Il lutte pour ne pas se replier sur lui-même; jusqu'à quand tiendra-t-il?
         "Où sont-ils tous ceux qui parlent de charité, de fraternité? Où sont-ils? Que de tiédeur dans leur foi! Où sont-ils, tous ceux qui parlent de miséricorde? Et dire qu'on n'a pas cessé de nous rappeler que nous étions dans l'année de la miséricorde! Miséricorde de Dieu, certes, mais où est celle de ceux qui n'ont pas arrêté d'en parler sans trop se fatiguer pour la mettre en pratique?.... Que d'amertume en moi! Que de doutes m'assaillent!
Je suis découragé, mais je ne pense pas exagérer dans la présentation de ce que je vis."
Un long silence suivit ces paroles de découragement, de regret, de désespérance.
-"Candide, je te demande pardon, mais je n'ai pas pu préparer notre entretien de ce dimanche, dont le sujet portait sur la chronologie des écrits néotestamentaires."
-"Tu es pardonné…ce sera pour une autre fois… Que puis-je faire pour toi? Je veux tellement t'aider dans cette mauvaise passe."
et ils parlèrent, à bâton rompu, de tout et de rien…
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Proposition de méditation
Rm 10,9-18
09 Si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si, dans ton cœur, tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, alors tu seras sauvé.
10 Car c’est avec le cœur que l’on croit pour devenir juste, c’est avec la bouche que l’on affirme sa foi pour parvenir au salut.
11 En effet, l’Écriture dit : Quiconque met en lui sa foi ne connaîtra pas la honte.
12 Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n’y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l’invoquent.
13 En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.
14 Or, comment l’invoquer, si on n’a pas mis sa foi en lui ? Comment mettre sa foi en lui, si on ne l’a pas entendu ? Comment entendre si personne ne proclame ?
15 Comment proclamer sans être envoyé ? Il est écrit : Comme ils sont beaux, les pas des messagers qui annoncent les bonnes nouvelles!
16 Et pourtant, tous n’ont pas obéi à la Bonne Nouvelle. Isaïe demande en effet : Qui a cru, Seigneur, en nous entendant parler ?
17 Or la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ.
18 Alors, je pose la question : n’aurait-on pas entendu ? Mais si, bien sûr ! Un psaume le dit : Sur toute la terre se répand leur message, et leurs paroles, jusqu’aux limites du monde.

Notes :
v.9 : A l’adhésion intérieure du “ cœur ”, correspond la profession de foi extérieure telle qu’elle a lieu au baptême.
v.14 : L’argumentation, qui tire parti de l’Ecriture, est claire : si Israël dans son ensemble n’invoque pas en fait le nom du Seigneur, c’est qu’il s’est montré rebelle à la lumière qui lui a été proposée.
v.18 : la voix est celle des prédicateurs de l’Evangile.
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Prochain texte
La chronologie des textes du Nouveau Testament
le 11 décembre
si Dieu le permet.
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse theophile21@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

le 30 novembre 2016

vendredi 25 novembre 2016

Le suaire de Turin

Les entretiens du dimanche
11
Le suaire de Turin
Résumé des chapitres précédents
Candide est une jeune femme en recherche de spiritualité; elle s'est adressée à son ami Théophile, diacre permanent, qui a accepté de l'aider. Ils se retrouvent chaque dimanche pour un entretien, auquel un invité peut se joindre. Ainsi nous avons fait la connaissance de François, moine franciscain, de Louis diacre permanent, du Père Stanislas curé de la paroisse où ils se réunissent le dimanche, et de Cécile récemment baptisée et confirmée.
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À la fin de leur entretien précédent, Candide a posé une question à Théophile sur le suaire de Turin. Théophile va essayer aujourd’hui d’apporter une réponse sur ce mystérieux suaire.


À gauche, tel qu'on voit le linceul, à droite tel qu'il apparut à M. Pia sur la plaque photographique.


-"Bonjour Théo !"
-"Candide, je te souhaite un bon dimanche… te voilà toute joyeuse et excitée!"
-"Évidemment….Alors ? Le suaire de Turin ? C’est le portrait de Jésus ?"
-"Pas facile de te répondre, Candide. Ce qui est acquis, c’est que ce linge représente le corps d’un supplicié par crucifixion. Mais de quand date-t-il ? Sur ce point précis, et sur le fait que ce soit Jésus, la contestation la plus vive fait rage."
-"Pourquoi ?Quelle est la difficulté?"
-"Et bien, voilà. Tout commence vers le milieu des années 1350.La famille De Charny a autorisé les chanoines de la collégiale de Lirey, à environ 20 kms de Troyes, en Champagne, à exposer publiquement une pièce de tissu sans en avoir averti l'évêque. Gros scandale! Il semble que ces expositions avaient commencé bien plus tôt, le pape les avait autorisées. Cette pièce était prudemment présentée comme étant une image ou une représentation du <sudarium du Christ> L'évêque condamnera ces expositions en déclarant, en substance, qu'il s'agit d'une peinture. À l'époque circulaient beaucoup de reliques, probablement fausses en grande majorité. Comment la famille De Charny a-t-elle obtenu cette pièce de tissu, on ne le sait pas.
Cette pièce de tissu passera de main en main pour devenir finalement la propriété de la famille de Savoie. On sait que ce tissu a été endommagé par un incendie en 1532 alors qu'il était conservé à Chambéry, et qu'il a été réparé par des religieuses. Cet épisode va peser lourd, bien des années plus tard. Je te dirai pourquoi en temps voulu."
-"C'est passionnant! mais, dis-moi: c'est presque miraculeux qu'une pièce de tissu qui aurait enveloppé le corps du Christ ait pu traverser des siècles!"
-"Oui, mais je résume, car tu n'imagines pas la volumineuse littérature consacrée à ce tissu. Je résume sinon nous serions encore là pour plusieurs semaines!"
-"Bon. Continues."
-" Nous sommes en 1898. À l'occasion du 50e anniversaire de la constitution italienne, on décida de présenter cette pièce de tissu aux pèlerins qui étaient à Turin. On dit que 800 000 pèlerins défilèrent devant ce que j'appellerai maintenant le linceul. Il fut décidé de prendre en photographie la pièce exposée. On confia ce travail à un avocat, photographe amateur, appelé Pia. Le 29 mai 1898, il réalisa la première photographie. Lorsqu'il développa la plaque négative, il fut stupéfié de voir apparaître une image d'une netteté exceptionnelle. Il avait devant lui ce qu'on appellerait un cliché positif alors qu'en réalité il s'agissait d'un négatif. C'est comme si l'image sur le linceul était un négatif photographique!"
-"Quoi?"
-"Eh! oui! L'empreinte sur le tissu est floue, à peine visible, mais l'image obtenue est nette, claire, détaillée, c'est tout simplement époustouflant. On imagine facilement la surprise et l'émotion qu'a dû ressentir Monsieur Pia. La bagarre qui va commencer oppose des gens convaincus qu'il s'agit du linceul du Christ, et d'autres qu'il s'agit d'un faux, les uns et les autres développant des arguments qu'ils veulent imparables. Le linge exerce une intense fascination sur ceux qui le contemplent et en même temps pose une question, non résolue encore aujourd’hui : s’agit-il du portrait de Jésus-Christ miraculeusement imprimé sur un tissu ou bien est-ce un faux?
Si tu veux bien, ma chère Candide, je vais  te donner les arguments principaux de cette controverse."
-"Dis-moi: quel est ton avis?"
-" Mon avis ? Je préfère te le dire quand j'aurai fini l'exposé d'aujourd'hui."
-"Cachottier…peux-tu me dire pourquoi tu utilises plusieurs mots pour désigner ce tissu? Tu parles de linceul, de linge, de suaire; je suis perdue."
-"On parle du suaire de Turin ou du linceul. Ce n'est pas tout à fait la même chose. Commençons par le suaire: le suaire est, selon la tradition, le linge qui a recouvert le visage de Jésus. Au temps de Jésus, et dans les temps qui précèdent, le suaire (en latin sudarium, en grec soudarion) est une sorte de mouchoir pour essuyer la sueur du visage; mais il désigne aussi une serviette enveloppée autour de la tête du défunt, servant de mentonnière pour lui tenir la bouche fermée et serrée au cou par une bandelette. Il ne faut donc pas le confondre avec le linceul (en grec sindôn) qui recouvre le corps entier; il est tissé en lin (en grec sindôn), mais quelquefois en d'autres matières. Ainsi, dans l'évangile de saint Jean, lors du retour à la vie de Lazare, on trouve ce verset: <le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d'un suaire. Jésus leur dit : “Déliez-le, et laissez-le aller.>. Donc, et ça n'engage que moi, il n'est pas juste de désigner par suaire le linge conservé à Turin; le suaire est très exactement une partie d'un ensemble, qu'on désigne par suaire de Turin, à tort selon moi."
-"Et bien dis donc, tu en sais des choses! dit Candide d'un air admiratif"
-" J'ai beaucoup lu de livres sur la question; d'ailleurs, je pourrais t'en indiquer six…revenons au sujet de notre entretien.
Dans les coutumes funéraires juives au 1er siècle, le corps est couché dans un linceul. Le visage est recouvert d'un suaire, maintenu par une bandelette. Quant  au linceul, il est maintenu par trois bandelettes, une aux pieds, une à hauteur des mains et une au cou.
Les Évangiles synoptiques évoquent à plusieurs reprises l'usage du linceul (en grec sindôn, [Mc 15,45.53 : Lc 23,53] ), mais ne mentionnent jamais le suaire [Mt 27,59] <Prenant le corps, Joseph l'enveloppa dans un linceul neuf, et le déposa dans le tombeau qu'il venait de se faire tailler dans le roc>. L'expression signifie « un linceul casher » c'est-à-dire <satisfaisant>). L'Évangile selon Jean fait référence, quant à lui pour le corps de Lazare (Jn 11,44), à des bandelettes (keiriais) liant le corps et un suaire (soudàrion) sur son visage : <le mort sortit, les pieds et les mains attachés, le visage enveloppé d'un suaire.>
La confusion entre « suaire » et « linceul », est probablement issue d'une mauvaise interprétation du terme soudarion de l'Évangile selon Jean.

-"Si tu me dis tout cela, ce ne doit pas être pour m'épater par ton érudition, non?"
-"En effet. Avant de te présenter les arguments des <anti-suaire de Jésus> et <pro-suaire de Jésus>, nous allons revenir à l'évangile de Jean (Jn 20,3-9):
3 Pierre partit donc avec l'autre disciple pour se rendre au tombeau. 4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 5 En se penchant, il voit que le linceul est resté là; cependant il n'entre pas. 6 Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, 7 et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place.
8 C'est alors qu'entra l'autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. 9 Jusque-là, en effet, les disciples n'avaient pas vu que, d'après l'Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d'entre les morts.

Conclusion:  le linceul est à sa place, mais le corps du défunt n'y est plus. Le suaire (le linge qui avait recouvert la tête) est à sa place, c'est-à-dire dans le linceul. On comprend alors ce que signifie: Il vit, et il crut.. Pour le disciple, aucun doute n'est permis: Jésus est ressuscité!"
-"Oh Théo, laisse-moi un peu réfléchir à tout cela."

Quelques minutes s'écoulèrent. Théo reprit son exposé.
-" Je vais te résumer les arguments des tenants du faux, et ensuite ceux.
de ceux qui tiennent pour l'authenticité du suaire. D'abord, L'analyse au carbone 14.
La datation au carbone 14 du linceul a eu lieu en 1988. Un protocole avait été convenu entre l'Église et les scientifiques. L'analyse fut exécutée par trois laboratoires spécialisés, qui affirmèrent que le linceul a été créé entre 1260 et 1390. Ce fut le début d'une controverse, où tous les arguments possibles et imaginables furent avancés. En effet, la datation au carbone 14 a donné des résultats incompatibles avec ceux de toutes les études précédentes.
Les premières études qui furent menées relèvent du domaine de la médecine. En 1902,un savant anatomiste français très renommé, Yves Delage, réputé pour être agnostique et résolument adversaire de tout ce qui était hors du commun, conclut dans son rapport à l'Académie des Sciences que le suaire de Turin portait l'image du Christ. Les opinions exprimées se partagèrent entre ceux qui étaient favorables à cette conclusion et ceux qui y étaient opposés. Il fallut attendre les années 1930 pour qu'un savant aussi réputé que son prédécesseur, Pierre Barbet, conclue que les blessures révélées par le linceul correspondaient à celles de Jésus décrites dans les évangiles.
Une autre étude se pencha sur le tissu du linceul. C'est un tissu en lin, mais avec des traces de fil de coton. La manière de tisser est conforme à ce que l'on sait des méthodes employées en Palestine au premier siècle.
Après la médecine, après le tissage, s'ouvrit une étude policière, menée par Max Frei, éminent criminologiste suisse. Il s'était signalé par un article publié en 1955 analysant la manière de truquer une photographie. C'est en 1973, alors qu'il étudiait les photographies du suaire, qu' il s'aperçut que de fines particules de poussière étaient étalées sur le linge. Je passe sur la méthode utilisée, mais Max Frei acquit avec certitude qu'il s'agissait du pollen de végétaux qui poussent dans les régions désertiques du Jourdain. S'imposa à lui alors la conclusion que ces pollens venaient bien de Palestine puisqu’était exclue leur existence sur le parcours du suaire pour venir de Palestine à Turin.
Après la médecine, après le tissage, après l'enquête policière, vient à la rescousse de l'étude du linceul un appareil utilisé par la NASA pour obtenir le relief de la Lune au cours des expéditions menées en direction de notre satellite. C'est en 1976, que deux ingénieurs américains de l'U.S. Air Force, Jackson et Jumper, procédèrent à l'analyse photographique du linceul avec l'analyseur d'image, le VP8, couplé à un ordinateur. Ils obtinrent une image en relief, tridimensionnelle. Cela signifie que la représentation du corps sur le linceul est codée, et obéit à une loi mathématique très précise. L'image est isotrope c'est-à-dire qu'il n'y a pas de direction privilégiée sur cette image.
Je ne te parlerai pas de la coloration du tissu. On sait seulement qu'il ne s'agit ni de peinture, ni de brûlures, ni de quelque procédé connu à notre époque. Cependant, il est utile de rappeler qu'après l'explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, les observateurs découvrirent des images de personnes sur des murs comme si un flash avait projeté leur ombre sur les murs.
Enfin, dernier point. Il concerne la projection du corps sur le linceul. Le linceul effectivement montre un corps vu de face et de dos. L'analyse faite avec l'analyseur d'images a suggéré aux chercheurs que l'image du linceul avait été prise en apesanteur.
Je terminerai avec une remarque qui n'engage que moi. Je pense qu'on a oublié dans les différentes études un phénomène exceptionnel: la résurrection. On ignore quelles en sont les modalités. Alors, pourquoi ne pas supposer que le processus de résurrection a formé l'image du Christ mort sur le linceul. Une idée intéressante a été émise, à savoir que l'image aurait pu être formée par deux types de rayonnement, soit un rayonnement de photons, soit un rayonnement de particules ionisées comme des protons."
Un dernier mot: si faux il y a, alors le faussaire du 13e-14e siècle avait 7 siècles d'avance sur nos connaissances actuelles en matière de photographie, médecine, mathématiques, atomique, et autres. C'est impossible"
-"Tu as fini?"
-"Oui."
-"Ouf! s'écria Candide."
Cependant, après quelques instants de silence, elle ajouta: "As-tu un doute sur l'intégrité intellectuelle des différents chercheurs."
-"Non, bien sûr."
-"Alors, si je retiens ta suggestion concernant les modalités de la résurrection, et si les deux camps qui s'opposent voulaient bien retenir cette suggestion, ne serait-il pas possible, ou même raisonnable, de dire que tous ont raison?"
 -"Peut-être …. Mais le Christ a dit: <Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bonté.> [Lc 10,21].
Accueillons donc le linceul de Turin comme un témoignage de la bonté de Dieu si nous croyons en Lui, et comme une icône qui donne à réfléchir sur notre vie terrestre pour ceux qui ne connaissent pas Dieu ou le rejettent."

C'est sur ces derniers mots que nos deux amis se séparèrent.

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Prochain texte
La chronologie des textes du Nouveau Testament
le 3 novembre

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dimanche 27 novembre  2016

samedi 19 novembre 2016

Jésus est-il vraiment ressuscité?

Les entretiens du dimanche
10
Jésus est-il vraiment ressuscité ?

Résumé des chapitres précédents
Candide est une jeune femme en recherche de spiritualité; elle s'est adressée à son ami Théophile, diacre permanent, qui a accepté de l'aider. Ils se retrouvent chaque dimanche pour un entretien, auquel un invité peut se joindre. Ainsi nous avons fait la connaissance de François, moine franciscain, de Louis diacre permanent, du Père Stanislas curé de la paroisse où ils se réunissent le dimanche, et de Cécile récemment baptisée et confirmée.
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         Le dimanche précédent, Candide avait pris des notes pour relire, à tête reposée, ce que frère François venait de lui dire. Puis elle ajouta:
-" Dieu ne peut pas mourir. Jésus cependant est mort sur une croix, quand les Romains le crucifièrent." Candide exprimait ainsi ce qu'elle pensait.
-" Oui, lui répondit frère François, qui ajouta: c'est pourquoi nous croyons fermement au témoignage de ses disciples, quand ils annoncèrent sa résurrection."
-"Donc, si Jésus est ressuscité, c'est parce qu'il est Dieu?" avait-elle interrogé avec un soupçon de doute.
-"Oui"
-",Mais alors, pourquoi, vous , chrétiens, dites-vous que votre religion croit en un seul Dieu, alors que vous soutenez que vous vénérez Dieu Père, Jésus Fils de Dieu, et l'Esprit-Saint?"
         De peur d'allonger l'entretien et de jeter le trouble dans l'esprit de Candide en lui donnant trop de sujets d'interrogation, Théophile avait proposé d'en rester là, pour ce dimanche.

 Donc, ce dimanche-là, Candide arriva d’un pas décidé. Théophile pensait en lui-même qu’elle devait avoir quelques questions sur la résurrection de Jésus, qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas un fait si facile à accepter. D'emblée, elle attaqua l'entretien de manière directe, presque un peu hostile.
- "Bonjour Théophile…Tiens, frère François n'est pas là? Dommage … Tu m’as dit la dernière fois que Jésus était ressuscité, mais nous savons bien par expérience que personne ne ressuscite après sa mort. Cependant je veux bien admettre, pour l’instant, que ce que tu me dis est vrai. Alors, si Jésus est vraiment ressuscité, peux-tu me préciser ce que peuvent signifier la mort et la résurrection de Jésus?"
- "Avant de répondre à cela, il faut que je te précise ce qu'on entend par <résurrection>. D'abord, le mot: il vient du latin  resurgere qui signifie se relever, se lever une nouvelle fois.
L'Ancien Testament rapporte plusieurs cas de résurrection: celui du fils d'une païenne par Élie [1 R 17,17-24], ou encore celui du fils de la riche sunamite par Élisée [2 R 4,18-37].
Le Nouveau Testament n'est pas en reste en cette matière: citons la fille d'un chef de synagogue, Jaïre [Mc 5,22-24.35-43], le fils unique d'une veuve à Naïm  [Lc 7,11-17], et Lazare  [Jn 11,1-45], tous trois par Jésus . Il y eut aussi des cas de résurrection par Pierre et par Paul [Ac 9,36-42 et Ac 20,7-12]. Ceux qui sont revenus à la vie moururent par la suite. Mais Jésus ressuscité est vivant; il a vaincu la mort."
-" Merci pour ce distinguo, mais qu'en est-il pour Jésus?"
-" Les premiers disciples de Jésus et ceux qui leur ont succédé nous ont transmis quatre récits dont je te donne les références.
Les voici: d'abord le témoignage de ceux qui furent les premiers à constater que le tombeau de Jésus était vide: Marie Madeleine et les deux disciples, qui furent également témoins de la première apparition de Jésus ressuscité. Tu trouveras ce témoignage dans les quatre évangiles en [Jn 20, 1- 18 // Mt 28, 1-9; Mc 16, 1-8 ; Lc 24, 1- 11].


Ensuite et parallèlement à ce premier épisode, c'est la rencontre de Jésus avec deux disciples qui se rendaient au village d'Emmaüs. Ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé. Tandis  qu'ils parlaient et discutaient, Jésus s'approcha, et il marchait avec eux. Jésus leur expliqua tout. Tu liras le récit complet en [Lc 24, 13-53.]
Puis, le même soir, le premier jour de la semaine, les disciples étaient réunis et ils avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Cela est consigné en [Jn 20, 19-29].
Enfin, j'en appelle à Saint Paul qui a écrit dans sa première lettre aux Corinthiens:
  Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j'ai moi-même reçu: le Christ est mort, il a été mis au tombeau, il est ressuscité le troisième jour, et il est apparu à Pierre, puis aux Douze;  ensuite il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois - la plupart sont encore vivants, et quelques-uns sont morts -; ensuite il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres, et en tout dernier lieu, il est même apparu à l'avorton que je suis. Comment certains d'entre vous peuvent-ils affirmer qu'il n'y a pas de résurrection des morts ? S'il n'y a pas de résurrection des morts, le Christ, lui non plus, n'est pas ressuscité. Et si le Christ n'est pas ressuscité, notre message est sans objet, et votre foi est sans objet. [1 Co 15, 12-34].
Pardonne-moi d'avoir été un peu long, mais il fallait bien que je te donne les récits qui sont le point de départ de la foi en Jésus ressuscité."
-" Oui, je te remercie de ces précisons,  mais …."
-", Mais?..."
-" Et bien, je ne suis pas convaincue."
-"C'est normal, et à l'époque où se situe cet événement exceptionnel, les sceptiques furent nombreux, à commencer par les membres du Temple. je te lis un passage de l'évangile de saint Matthieu [Mt 28,11-15]:
Tandis que Madeleine et l'autre Marie venues faire leur visite au tombeau de Jésus étaient en chemin, quelques-uns des hommes chargés de garder le tombeau allèrent en ville annoncer aux chefs des prêtres tout ce qui s'était passé. Ceux-ci, après s'être réunis avec les anciens et avoir tenu conseil, donnèrent aux soldats une forte somme en leur disant:“ Voilà ce que vous raconterez : 'Ses disciples sont venus voler le corps, la nuit pendant que nous dormions.' Et si tout cela vient aux oreilles du gouverneur, nous lui expliquerons la chose, et nous vous éviterons tout ennui. ” Les soldats prirent l'argent et suivirent la leçon. Et cette explication s'est propagée chez les Juifs jusqu'à ce jour.


Pierre et Jean vinrent au tombeau pour vérifier ce que les femmes leur avaient annoncé; ils pensaient qu'elles étaient "dérangées" comme on dit, qu'elles disaient n'importe quoi. C'est ce que saint Luc a retenu [Lc 24,11]: <Mais ces propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas.>"



-" Ce que tu me dis est troublant. Que croire? Qui croire?"
-"Voici mon dernier argument. L'apôtre Jean, un témoin difficilement récusable, a raconté ce qui s'était passé au tombeau, quand il s'y rendit avec Pierre. Voici:
<Pierre partit donc avec l'autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n'entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. C'est alors qu'entra l'autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n'avaient pas vu que, d'après l'Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d'entre les morts.> [Jn 20,3-9]
Candide était rêveuse. Son silence ne pouvait s'expliquer que par la lutte qui se livrait en elle: la raison lui soufflait que tout cela était merveilleux, mais tellement inouï! Il lui était impossible de recevoir en toute confiance le témoignage des premiers disciples de Jésus. Bien sûr, elle reconnaissait que le christianisme avait conquis très rapidement l'Occident païen, que pendant trois siècles les chrétiens furent l'objet de persécutions et de tortures effroyables. Mais en réalité, elle découvrait qu'elle était encore loin de reconnaître que Dieu avait envoyé Jésus pour donner l'ultime révélation de son amour et de sa miséricorde pour les hommes.
Théophile, quant à lui, était conscient de la difficulté de faire partager sa foi à Candide. Il se souvenait des paroles d'un prêtre qui lui avait dit que la foi progresse en l'homme, comme un marcheur qui fait trois pas en avant puis deux en arrière jusqu'à ce qu'il parvienne au but de sa marche.
- Cependant, Théophile décida de rompre le silence, pour ajouter quelques mots: "Il y a deux manières d’appréhender ce que j’appellerai le mystère de la résurrection de Jésus, en donnant au mot mystère un sens plus complexe que le sens courant d’énigme : il faut le comprendre comme quelque chose qui se laisse saisir avec de plus en plus de profondeur, dans la mesure bien évidemment où on veut creuser le sujet.
Si on se borne au Jésus historique, le récit de sa naissance qu’en donne Luc est une fable, à peine plus crédible que les récits mythologiques. Quant à sa résurrection, elle est incroyable même si on pressent que le témoignage des Apôtres et des disciples qui iront jusqu’au martyre a quelque chose de pathétique, avec peut-être un fond de vérité.
Si au contraire on médite l’enseignement de Jésus et que l’on soit impressionné par ce qu’entreprirent les Apôtres et les disciples, c’est-à-dire quitter leur vie habituelle, s’en aller parcourir le monde pour dire qui était Jésus et quel était son enseignement, et bien souvent trouver la mort à cause de tout cela, alors on se pose des questions pour atteindre à cette vérité que ces hommes et ces femmes ont reçue de Jésus.
La naissance de Jésus est bien la venue de Dieu en ce monde, de Dieu prenant l’intégralité de la condition humaine et assumant cette condition [Ph 2,6-8]. Mais en même temps, Jésus reste Dieu comme l’affirmeront plus tard les Pères de l’Église. Alors, sa mort est celle de tout homme, mais sa résurrection devient la garantie que la condition humaine survivra à la mort terrestre pour connaître une vie définitive en présence de Dieu.
As-tu compris ?"

Candide hésita avant de répondre: -"Mon ami, je te remercie pour tes efforts de clarté, car je reconnais que le sujet d'aujourd'hui doit nécessairement être médité longuement. Il y a du "pour" mais il y a aussi du "contre". Je ne suis pas encore prête à accueillir sans restriction ce que tu appelles "mystère de la résurrection". Il faut certainement beaucoup de temps pour mûrir dans ta foi."
-"Candide, il te faudra être patiente pour entrer pleinement dans ce qui est la foi au Christ. Il faudra aussi que tu acceptes d’être confrontée à des choses qui heurteront ta raison ; à défaut d’être convaincue immédiatement, tu devras les considérer comme un aspect de la foi à approfondir, un « mystère » comme le définit le vocabulaire religieux des chrétiens. Ne rejette pas ces choses, attends, mets-les de côté, reprends-les, réfléchis, questionne inlassablement ; et puis, un jour, tu seras à même de comprendre."
-"Tu ne te fâcheras pas si je réagis un peu vivement quelquefois? Si je rechigne à recevoir ce que tu m'enseignes?"
-"Bien sûr que non, c’est promis."

-" À dimanche prochain?"
-"Oui, mille fois!"

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Proposition de méditation

De Saint Épiphane de Salamine (? - 403), évêque
Homélie 3 pour la Résurrection

« Voici le jour que le Seigneur a fait, jour de fête et de joie » (Ps 117,24)
    Le Soleil de justice (Ma 3,20), disparu depuis trois jours, se lève aujourd'hui et illumine toute la création. Christ au tombeau depuis trois jours et existant avant les siècles ! Il pousse comme une vigne et remplit de joie toute la terre habitée. Fixons nos yeux sur le lever d'un soleil qui ne connaîtra pas de déclin ; devançons le jour et soyons remplis de la joie de cette lumière ! 

    Les portes des enfers sont brisées par le Christ, les morts se dressent comme d'un sommeil. Le Christ se lève, lui la résurrection des morts, et il vient réveiller Adam. Le Christ, résurrection de tous les morts, se lève et vient délivrer Ève de la malédiction. Le Christ se lève, lui la résurrection, et il a transfiguré dans sa beauté ce qui était sans beauté ni éclat (Is 53,2). Comme un dormeur, le Seigneur s'est éveillé et a déjoué toutes les ruses de l'ennemi. Il est ressuscité et il donne la joie à toute la création ; il est ressuscité et la prison de l'enfer a été vidée ; il est ressuscité et il a transformé le corruptible en incorruptible (1Co 15,53). Le Christ ressuscité a établi Adam dans l'incorruptibilité, sa dignité première. 

    Dans le Christ, l'Église devient aujourd'hui un ciel nouveau (Ap 21,1), un ciel plus beau à contempler que le soleil visible. Le soleil que nous voyons tous les jours ne peut se mesurer avec ce Soleil-là ; tel un serviteur pénétré de respect, il s'est éclipsé devant lui quand il l'a vu pendu à la croix (Mt 27,45). C'est de ce Soleil que le prophète dit : « Le Seigneur, Soleil de justice, s'est levé pour ceux qui le craignent » (Ma 3,20)... Par lui, le Christ, Soleil de justice, l'Église devient un ciel resplendissant de quantité d'étoiles, jaillies de la piscine baptismale dans leur lumière neuve. « Voici le jour que le Seigneur a fait ; exultons de joie en esprit et réjouissons-nous en lui » (Ps 117,24), pleins d'une allégresse divine.
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Prochain article
Le suaire de Turin
il paraîtra vers le 26 novembre
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Illustrations
- Les disciples d'Emmaüs

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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse theophile21@orange.fr
À suivre chaque de dimanche … si vous le voulez bien.

dimanche 20 novembre  2016

samedi 12 novembre 2016

Jésus, Fils de Dieu

Les entretiens du dimanche
9
Jésus, Fils de Dieu


Résumé des chapitres précédents
Candide est une jeune femme en recherche de spiritualité; elle s'est adressée à son ami Théophile, diacre permanent, qui a accepté de l'aider. Ils se retrouvent chaque dimanche pour un entretien, auquel un invité peut se joindre. Ainsi nous avons fait la connaissance de François, moine franciscain, de Louis diacre permanent, tous deux amis de Théophile, de Cécile une amie de Candide. C'est le Père Stanislas qui les accueille en son église,
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Dimanche dernier, Théophile avait esquissé un portrait de Jésus, mais de Jésus en tant qu'homme. Qu'en est-il de Jésus, Fils de Dieu et Dieu lui-même, comme le proclame le credo des chrétiens?
Le Père Stanislas et Théophile se doutaient bien que Candide poserait la question. Ils étaient hésitants sur la manière d'aborder ce sujet, d'autant que le Père Stanislas serait absent; il était dans l'obligation d'accompagner son évêque à une réunion. Théophile avait téléphoné à son ami, frère François, qui avait accepté de venir ce dimanche; ils attendaient Candide, qui curieusement ne s'était pas manifesté les jours précédents.
Enfin elle arriva.
- "Bonjour! Ah! Frère François, je suis bien contente de vous revoir."
- "Moi aussi, Candide"
- "Le Père Stanislas n'est pas là?"
- "Non, il accompagne son évêque à une réunion… Quoi de neuf, amie?"
-"Une question: tu m'as parlé de Jésus la semaine dernière. Mais, ce n'était qu'un portrait d'homme, exceptionnel bien sûr, mais seulement homme. Pourquoi les chrétiens disent-ils de lui qu'il est le fils de Dieu?"
- "Et voilà!! s'écria Théophile… Frère, j'avais raison en te disant que Candide poserait cette question! Fine mouche, notre amie, n'est-ce pas."
-"Candide, intervint frère François, je vois que tu manifestes beaucoup de curiosité et d'intérêt dans ta recherche. C'est bien.
Je vais être un peu long. Aussi écoute-moi avec attention sans m'interrompre, si tu veux bien.
Voilà. Depuis la fin du premier siècle de notre ère, les chrétiens proclament leur foi dans le credo. Credo est un mot latin qui signifie <je crois>.
Il y a deux formes pour ce credo, qui résultent de l'approfondissement de leur foi en Dieu: le premier credo, appelé Symbole des Apôtres, s'exprime ainsi:
Je crois en Jésus Christ, son Fils unique, notre Seigneur,
qui a été conçu du Saint-Esprit,
est né de la Vierge Marie,
a souffert sous Ponce Pilate,
a été crucifié, est mort et a été enseveli,
est descendu aux enfers,
est ressuscité des morts le troisième jour,
est monté aux cieux,
est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant,
d'où il viendra juger les vivants et les morts.

Le second credo, plus tardif et dénommé Symbole de Nicée-Constantinople,  est plus complet en ce qui concerne Jésus. Le voici:
 Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ,
le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles:
il est Dieu, né de Dieu,
lumière, née de la lumière,
vrai Dieu, né du vrai Dieu,
engendré, non pas créé, de même nature que le Père;
et par lui tout a été fait.
Le texte en dit un peu plus sur Jésus, mais je n'ai retenu que ce qui est à comparer avec le symbole des Apôtres.
As-tu des questions?"

Candide avait écouté attentivement le frère François. Elle gardait maintenant un silence qui était la marque d'une réflexion profonde. Frère François et Théophile attendaient patiemment, en silence eux aussi, mais un peu perplexes; qu'allait-elle dire? Ils redoutaient son esprit incisif. Enfin, Candide sortit de son silence:
-" Le premier credo ne dit pas que Jésus est Dieu, à la différence du second. Pourquoi? Et puis, pourquoi l'appellent-ils <Fils unique de Dieu>? "
Théophile et frère François avaient bien raison de craindre les remarques de Candide!
C'est le frère François qui lui répondit:
- " Pour les chrétiens, Jésus est Fils de Dieu, comme le proclame l'évangéliste Marc dès le début de son évangile: <Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, le Fils de Dieu> [Mc 1, 1]
Le mot Seigneur a une signification bien précise. À Moïse et à son peuple, Dieu a dit son nom lors de l'épisode du buisson ardent:
Moïse dit : « J'irai donc trouver les fils d'Israël, et je leur dirai : 'Le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous.' Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis celui qui suis. Tu parleras ainsi aux fils d'Israël :'Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est : JE-SUIS'. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d'lsraël : 'Celui qui m'a envoyé vers vous, c'est YAHVÉ, c'est LE SEIGNEUR, le Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob'. C'est là mon nom pour toujours. [Exode 3,13-15]

Les Grecs utiliseront le mot Kyrios qui se traduit par Seigneur. Dire Jésus Kyrios, Seigneur, c'est donc le mettre sur le même plan que Dieu, et lui reconnaître le Nom qui est au-dessus de tout nom [Ph 2, 9]. La formule "Jésus-Christ est Seigneur" est l'une des expressions de foi les plus utilisées par les premières communautés chrétiennes pour dire la divinité de Jésus. [Ac 2, 36; Rm 10, 9; 1 Co 12,3; 2 Co 1, 2 & 4, 5; Ph 2, 11]."

Candide avait pris des notes pour relire, à tête reposée, ce que frère François venait de lui dire.
-" Dieu ne peut pas mourir. Jésus cependant est mort sur une croix, quand les Romains le crucifièrent." Candide exprimant ainsi ce qu'elle pensait.
-" Oui, continua frère François. C'est pourquoi nous croyons fermement au témoignage de ses disciples, quand ils annoncèrent sa résurrection."
-"Donc, si Jésus est ressuscité, c'est parce qu'il est Dieu?" dit-elle avec un soupçon de doute.
-"Oui"
-"Mais alors, pourquoi, vous , chrétiens, dites-vous que votre religion croit en un seul Dieu, c'est-à-dire que votre religion est monothéiste, alors que vous soutenez que vous vénérez Dieu Père, Jésus Fils de Dieu, et l'Esprit-Saint qui est Seigneur et qui donne la vie, qui procède du Père et du Fils, et qui, avec le Père et le Fils, reçoit même adoration et même gloire?, comme l'énonce le credo de Nicée-Constantinople?"
- "Je crois, dit Théophile, que nous allons en rester là pour aujourd'hui. Vois-tu, Candide mon amie très chère, il est nécessaire que tu médites tout ce que François vient de te dire, avant que de poursuivre sur la résurrection de Jésus et le mystère de la Sainte Trinité."
Frère François abonda lui aussi en ce sens.
-"Merci, mes amis. Je vais suivre votre conseil… et préparez-vous pour dimanche prochain, car j'aurais des questions."
-"Le contraire serait bigrement étonnant."
Et ils se séparèrent en toute amitié.

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Proposition de méditation

Dans la foulée des deux entretiens sur Jésus, nous vous proposons de méditer sur un passage de l'évangile de saint Marc, au chapitre 8 (passages parallèles: Mt 16, 13-20 ; Lc 9, 18-21). Les deux questions sont en caractères gras ci-après
27 Jésus s’en alla, ainsi que ses disciples, vers les villages situés aux environs de Césarée-de-Philippe. Chemin faisant, il interrogeait ses disciples : « Au dire des gens, qui suis-je ? »
28 Ils lui répondirent : « Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres, un des prophètes. »
29 Et lui les interrogeait : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Pierre, prenant la parole, lui dit : « Tu es le Christ. »
30 Alors, il leur défendit vivement de parler de lui à personne.

Note :
Le titre de “ prophète ” que Jésus n’a revendiqué que de façon indirecte et voilée, mais que les foules lui ont clairement donné,  avait une valeur messianique. Car l’esprit de prophétie, éteint depuis Malachie, devait, selon l’attente du Judaïsme, revenir comme signe de l’ère messianique, soit dans la personne d’Élie, soit sous forme d’une effusion générale de l’Esprit. En fait, il s’est présenté, du temps de Jésus bien des faux prophètes.
C’est en Jésus seul que la foi chrétienne a reconnu le Prophète annoncé. Toutefois, le charisme de prophétie s’étant répandu dans l’Eglise primitive à la suite de la Pentecôte, ce titre de Jésus s’est effacé bientôt devant d’autres titres plus spécifiques de la christologie.
Même sans l’addition de saint Matthieu“ Fils de Dieu ”, la confession de Pierre, parlant au nom du groupe apostolique, est de grande importance et marque un tournant décisif dans la carrière terrestre de Jésus. Alors que la foule s’égare dans ses pensées sur son compte et s’écarte de plus en plus de lui, ses disciples reconnaissent pour la première fois, de façon explicite, qu’il est le Messie. Désormais, Jésus va consacrer ses efforts à former ce petit noyau des premiers croyants et à purifier leur foi.
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Illustrations
- Prédication de Pierre au Temple après l'ascension de Jésus
              (église Saint-Michel de Dijon, France)
- Images d'évangiles

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dimanche 13 novembre  2016