mercredi 28 décembre 2016

L'enfance de Jésus (1ère partie)

Les entretiens du dimanche
16

L'enfance de Jésus

1ère partie
À Bethléem


Remarque préliminaire: la naissance de Jésus mérite un entretien assez long entre nos deux amis. Aussi, avons-nous décidé de consacrer plusieurs blogs  à cet évènement et à ses conséquences sur l'enfance de Jésus. Seront traités 7 évènements:
La naissance de Jésus annoncée aux bergers de Bethléem
La venue des Mages
La présentation de Jésus au Temple
La fuite en Égypte
Le massacre des Innocents
Jésus au Temple
Jésus à Nazareth

*****

En cette semaine encadrée par deux fêtes, Noël d'une part, le Nouvel An d'autre part, nos deux amis se sont retrouvés le samedi, une fois n'est pas coutume.
-"Bonjour, Candide. Comment as-tu vécu la fête de Noël?"
-"Heureuse, oui vraiment, j'ai été  heureuse de célébrer Noël, bien que je ne sois pas chrétienne. La messe de minuit a été un moment fort, que j'ai profondément vécu, avec recueillement,  grâce à tes explications. La ferveur de l'assistance a été très communicative…
Candide se plongea dans ses pensées, se remémorant sans doute ce qu'elle avait vécu.
Mais j'ai encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'oser demander le baptême."
-"Oui, je comprends ce que tu ressens. Pour les chrétiens, Noël est avant tout la fête de la naissance du Sauveur, de Jésus-Christ, Dieu venu sur Terre. C'est l'occasion de prendre conscience de la proximité de Dieu, de mesurer combien il est miséricordieux. C'est aussi, pour beaucoup de personnes, l'occasion de faire le point,  de se poser la question: en qui je crois? Quelle est ma foi? Et ma vie: est-elle conforme à l'enseignement du Christ?"

-"Théo, si Jésus est né dans une étable, comme un pauvre, loin de la foule venue pour le recensement, comment se fait-il que sa naissance ne soit pas passée inaperçue?"
-"En effet. Dieu n'est pas resté inactif, si j'ose dire. Il y a eu deux manifestations de sa présence active: l'annonce aux bergers, pauvres d'entre les pauvres, et puis la venue de ceux qu'on appelle les mages.
Les bergers d'abord. C'est saint Luc qui a rapporté ce qui s'est passé dans son évangile, au chapitre 2 versets 8 à 20. je te lis ce passage:

8 Dans les environs se trouvaient des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. 9 L'ange du Seigneur s'approcha, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d'une grande crainte, 10 mais l'ange leur dit : “ Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : 11 aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. 12 Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. ” 13 Et soudain, il y eut avec l'ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant :
14 “ Gloire à Dieu au plus haut des cieux,
et paix sur la terre aux hommes qu'il aime. ”
15 Lorsque les anges eurent quitté les bergers pour le ciel, ceux-ci se disaient entre eux : “ Allons jusqu'à Bethléem pour voir ce qui est arrivé, et que le Seigneur nous a fait connaître. ” 16 Ils se hâtèrent d'y aller, et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire. 17 Après l'avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. 18 Et tout le monde s'étonnait de ce que racontaient les bergers.
19 Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur.
20 Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu  pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu selon ce qui leur avait été annoncé."
-" Pourquoi dis-tu des bergers qu'ils sont pauvres d'entre les pauvres"
-" Les bergers sont alors mal vus en Israël, car ils vivent en marge de la communauté pratiquante. Ce sont des petits, des pauvres, des exclus."
-"un peu comme les migrants aujourd'hui"
-"D'un point de vue, sans doute as-tu raison. Le mot <pauvre> a une signification particulière dans la Bible. Je fais une courte digression: au chapitre  de l'évangile de Matthieu, on trouve ce verset:
Heureux les pauvres de coeur :
le Royaume des cieux est à eux ! [Mt 5,3]
Il y a deux manières d'être pauvre: par manque de moyen financier, mais surtout par le coeur. On peut être riche par sa fortune, tout en étant pauvre de cœur. Je t'expliquerai cela une autre fois, si tu veux bien."
-"En pleine nuit, voici que Dieu enveloppe les bergers d'une intense lumière (v. 9). On comprend que les bergers durent avoir une énorme frousse: que se passait-il? Et soudain, un ange leur parle, pour les rassurer d'abord, pour leur annoncer ensuite cette grande nouvelle : <aujourd'hui vous est né un Sauveur. Il est le Messie > Voilà la grande nouvelle: le Messie est là, celui qu'Israël attend depuis des siècles! Même des bergers, pauvres d'entre les pauvres, sont capables de comprendre cela."
-"Candide intervint: aujourd'hui, les médias feraient une publicité du tonnerre! Et tu dis que Dieu a choisi ce qu'il y a de plus pauvre en Israël pour annoncer la venue du Messie! Il y a là quelque chose qui m'étonne. Dieu ne s'adresse-t-il donc qu'aux humbles, aux pauvres?"
-"Aux pauvres de cœur, Candide. N'oublie jamais cela"
Un moment de silence plongea Candide dans la méditation de ce que Théo lui avait dit, et Théophile songeait aussi aux perspectives qu'ouvrait ce passage d'évangile. Il se promit de revenir plus tard sur ce texte pour l'approfondir.




Théophile reprit: "Il nous faut avancer un peu dans notre entretien. De cet évangile, retiens ce que saint Luc a noté à propos de Marie: <Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur.>. Saint Luc a mentionné deux fois cette remarque: ici [Lc 2,19], mais aussi en 2,51 [« Sa mère gardait dans son coeur tous ces événements. »]. Dans la Bible, le cœur est le siège de toute la vie intime de l’homme : sa pensée, sa mémoire, ses sentiments, ses décisions. Luc veut marquer la réflexion de Marie sur les faits dont le sens ne sera manifesté que dans la révélation pascale.
Je voudrais en venir maintenant au passage relatant la venue des Mages."

-"Des mages? Qui sont-ils? D'où viennent-ils? Comment ont-ils appris la naissance de Jésus?"
-"Tout plein de bonnes questions, chère Candide!"
-"Qui sont-ils, m'as-tu demandé? D'abord, une remarque: saint Luc n’a pas jugé utile de rapporter les trois épisodes qui suivent : l’adoration des Mages, la fuite en Égypte, le massacre des Innocents. C’est en Matthieu que nous trouverons ces trois récits. Pourquoi cette omission chez Luc ? Je ne sais pas.
Voici le texte de Matthieu [Mt 2,1-12]:

1 Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem 2 et demandèrent: “ Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. ” 3 En apprenant cela, le roi Hérode fut pris d'inquiétude, et tout Jérusalem avec lui. 4 Il réunit tous les chefs des prêtres et tous les scribes d'Israël, pour leur demander en quel lieu devait naître le Messie. Ils lui répondirent : 5 “ A Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : 6 Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d'Israël mon peuple. ” 7 Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l'étoile était apparue ; 8 puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : “ Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant. Et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que j'aille, moi aussi, me prosterner devant lui. ” 9 Sur ces paroles du roi, ils partirent.
Et voilà que l'étoile qu'ils avaient vue se lever les précédait ; elle vint s'arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l'enfant. 10 Quand ils virent l'étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11 En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. 12 Mais ensuite, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.

Qui sont les Mages? Que sont-ils? Le mot grec a des significations diverses : prêtres perses, magiciens, propagandistes religieux, charlatans, etc. Le grec biblique ne l’utilise qu’en Daniel [2,2.10]. Il pourrait désigner ici des astrologues de Mésopotamie (d'où le mot Orient), peut-être entrés en contact avec le messianisme juif ; rien n’indique que ce soient des rois. La question qu'ils posent à tous ceux qu'ils rencontrent va mettre le feu aux poudres, si je puis dire: " Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui."

Le roi au pouvoir à Jérusalem, Hérode le Grand, est un personnage très antipathique. D'une vive intelligence, homme politique habile, grand constructeur de cités hellénistiques, il s’appuya sur le parti des pharisiens. Mais, hélas, ce fut aussi un homme impitoyable, dur, intraitable, qui ne recula pas devant l'assassinat de ceux qui se mettaient en travers de sa route, qu'ils soient ses fils et ses parents, ou des personnages influents du royaume …sans oublier dans cette liste sinistre son épouse bien-aimée, l’Hasmonéenne Myriammé, qu’il chérissait entre toutes, d'après Flavius Josèphe. "
-"Brrr! Ça fait froid dans le dos! s'écria Candide"
-"Oui, et l'avenir de Jésus sera grandement menacé par lui. Ayant appris la recherche des Mages, Hérode fit appel aux fins connaisseurs des Écritures saintes, le grand prêtre et les scribes, docteurs de la Loi ou légistes chargés d’interpréter les Écritures, et en particulier la Loi mosaïque, pour en tirer les règles de conduite de la vie juive. Leur réponse est simple:  “ À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète : <Et toi, Bethléem en Judée, tu n'es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Judée ; car de toi sortira un chef, qui sera le berger d'Israël mon peuple.> ”
Dans l'esprit d'Hérode naît sa décision: il faut tuer ce futur roi. Mais Hérode est habile: il va utiliser les Mages, à leur insu."
-"J'ai bien compris cela, dit Candide. Mais, que vient faire cette étoile? A-t-elle existé ou n'est-elle due qu'à l'imagination de l'évangéliste?"

-"Décidemment, mon amie, tu as l'art de poser les questions embarrassantes! On se pose encore aujourd'hui la question sur le mystérieux astre qui a guidé les Mages. Aucune réponse n'est satisfaisante. Les astronomes ont même utilisé de puissants ordinateurs pour reconstituer le ciel au temps de Jésus enfant. Un phénomène céleste exceptionnel à l’époque de la naissance de Jésus ne pouvait pas passer inaperçu de sages (Mages) habitués à scruter le ciel pour prévoir l‘avenir. On évoque ainsi une « triple conjonction » des planètes Jupiter et Saturne en -7, une conjonction impliquant une série de planètes et l'étoile Régulus vers -3/-2, une occultation de Jupiter par la Lune en -6 ou encore une conjonction de Saturne  et Vénus en -2. On trouve également des tentatives d'explications astronomiques comme le passage de la comète de Halley en -12, l'apparition d'une nova ou d'une comète vers -5/-4 ou d'autres phénomènes comme des supernovae, des météorites, une étoile mouvante. Aucun de ces phénomènes n'emporte la décision, et cela fait le jeu de ceux qui dénigrent la religion."
-"Ouh! la la! tu as vu l'heure? Il fut que je file chez mes parents, pour un repas de famille.je vais être en retard."
-"Attends. Un dernier mot sur les présents apportés par les Mages: de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Les Pères de l'Église y ont vu symbolisées la Royauté (or), la Divinité (encens) et la Passion (myrrhe) du Christ."

Et comme un éclair, Candide "fila" , comme elle l'avait dit …. Le pauvre Théophile resta là, planté, médusé, mais pas du tout fâché contre son amie.

*****
Proposition de méditation
« Marie retenait tous ces évènements et les méditait dans son coeur » (Lc 1,19)
      « La Vierge conservait ces choses en son coeur. » Toute son histoire peut se résumer en ces quelques mots ! C'est en son coeur qu'elle vécut, et en une telle profondeur que le regard humain ne peut la suivre. Quand je lis en l'Évangile « que Marie parcourut en toute diligence les montagnes de Judée » (Lc 1,39) pour aller remplir son office de charité près de sa cousine Élisabeth, je la vois passer si belle, si calme, si majestueuse, si recueillie au-dedans avec le Verbe de Dieu.
« Servante du Seigneur » (Lc 1,38) qui fut sa mère ! Elle fut si vraie en son humilité, parce qu'elle fut toujours oublieuse, ignorante, délivrée d'elle-même. Aussi elle pouvait chanter : « Le Tout-Puissant a fait en moi de grandes choses ; désormais toutes les nations m'appelleront bienheureuse. »
Sainte Élisabeth de la Trinité.

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Prochain texte
L'enfance de Jésus
2e partie
le 6 janvier 2017
si Dieu le permet.
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Illustrations

Le Corrège - l'adoration des bergers
Botticelli - L'adoration des Mages
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

Le 28 décembre 2016

mardi 20 décembre 2016

Noël

Les entretiens du dimanche
15

Noël

Avant de retrouver nos amis,
je vous invite à lire ce qui suit, s'il vous plaît.
Nous vous souhaitons un joyeux Noël!
Vivez-le dans la méditation des merveilles que Dieu fait pour vous.
Vivez-le dans la joie de la famille.
Mais si vous êtes en situation difficile, sachez que Dieu ne vous oublie pas.
Si le monde vit des temps difficiles, marqués par la guerre,
le terrorisme et les migrations de nombreux malheureux,
sachons voir les signes que Dieu nous donne.

Prions, prions sans cesse,
prions pour ceux que nous aimons,
mais aussi pour ceux que la maladie accable,
pour ceux que la solitude écrase,
pour ceux qui n'ont que la rue pour logement,
et pour ceux qui n'ont plus de raisons d'espérer.
*****
Cette année, la fête de Noël est célébrée un dimanche. Exceptionnellement, nos amis avaient donc décidé de se retrouver la veille de Noël.

Le sujet de leur entretien porte sur cette fête, l'une des plus importantes de la chrétienté, même si nos frères orthodoxes la célèbrent quelques jours plus tard, pour une affaire de calendrier différent. En effet, c'est en 1582 que le pape Grégoire XIII décida de remplacer le calendrier julien, calendrier lunaire, par un nouveau calendrier (calendrier solaire, appelé calendrier grégorien), ce  qui entraîna la suppression de 10 jours, passant ainsi du jeudi 4 octobre 1582 au vendredi 15 octobre 1582. La France adopta ce nouveau calendrier en décembre 1582. Le décalage actuel est de 13 jours. Les chrétiens orthodoxes décidèrent de ne pas appliquer cette réforme en raison du schisme de 1054.

*****
Comme d'habitude, Théophile accueillit Candide dans la petite salle attenante à l'église.
-"Théo, peux-tu me dire ce que représente Noël pour les chrétiens, bien que je ne sois pas aussi ignorante que tu peux le penser, n'est-ce pas! … et d'abord d'où provient ce mot?"
-"Je crois, lui répondit Théophile, que beaucoup de gens l'ignorent. En fait, il y  deux hypothèses, mais je ne saurais te dire si elles sont acceptables."
-"Ah bon!"
-"Oui, en effet. La première hypothèse suppose  que noël est une contraction des deux mots latins natalis dies, «jour de la naissance», de Jésus évidemment. La seconde y voit la contraction d’une acclamation des soldats romains envers l’empereur Aurélien : novus helios, « nouveau soleil ». Je n'en sais pas plus."
-"As-tu remarqué que la contraction de novus helios serait proche de no-el?"
-"C'est envisageable, reconnut Théophile, mais l'empereur Aurélien qui a vécu au 3e siècle ap. J-C. était un païen qui s'était proclamé dieu et empereur en référence au dieu soleil."
-"Bof!"….
-" …. et n'oublies pas que les chrétiens ont été persécutés jusqu'en 331, année où l'empereur Constantin a proclamé le christianisme religion d'État."
-"Bien, maître, je m'incline." admit Candide, en mimant une mine déconfite, mais moqueuse, à n'en pas douter.
-"À ta première question, je peux t'affirmer que Noël est la grande fête de la fin de l’année ! De plus en plus désacralisée, semble-t-il, en France particulièrement, hélas! Mais  elle reste cependant une des principales fêtes de famille, ce qui est heureux par les temps qui courent où nombre de familles sont dispersées, désunies ou recomposées. Pour les chrétiens par contre, c’est avant tout la fête de la naissance du Sauveur, de Jésus-Christ, Dieu venu sur Terre pour que tous les hommes vivent avec Lui à la fin des temps. À la joie de se remémorer la naissance de leur Sauveur, les chrétiens, bien sûr, ne manquent pas de  fêter aussi la famille par la même occasion. L'amour de Dieu pour l'humanité suscite le même amour chez ses disciples, même si les drames qui ne manquent pas dans la vie ne leur font pas douter des intentions de Dieu pour leur donner un bonheur éternel.
Lorsque je préparais des couples au mariage, j'ai pu constater que, pour eux, Noël était la fête chrétienne la plus suivie, bien avant Pâques et les autres. Mais ils avouaient une ignorance regrettable sur sa signification profonde; beaucoup en étaient restés au "petit Jésus".

-"Je sais, reprit Candide, que les chrétiens célèbrent la naissance de Jésus, Fils de Dieu. Mais, qu'est-ce qui fonde cette fête? Comment cette naissance fut-elle annoncée?"
-"J'y viens. Je te rappelle la prophétie d'Isaïe, mais aussi le texte du prophète Michée, sixième des douze petits prophètes, qui prophétisa sous les règnes de Jotham, Acaz et Ezéchias, tous trois rois de Juda, et qui fut peut-être contemporain du prophète Isaïe:
< Et toi, Bethléem Éphrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël.> [Mi 5,1]
La suite du texte est intéressante, car elle précise que
<Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera... celle qui doit enfanter … Il se dressera et il sera leur berger par la puissance du Seigneur, par la majesté du nom du Seigneur, son Dieu ...  et lui-même, il sera la paix !>"
-"Intéressant cela. Deux prophéties semblables et probablement contemporaines l'une de l'autre!"
- Théophile hocha la tête, et il poursuivit le cours de son exposé: "Il y a environ 2.000 ans naquit un petit enfant, dans une bourgade de Judée, appelée Bethléem. L’empereur de Rome, Auguste je crois,  avait ordonné de recenser les habitants de son vaste empire. En Palestine, tous devaient se rendre dans leur ville d’origine pour y être recensés. C’est ainsi que Joseph et Marie partirent de Nazareth en Galilée pour se rendre à la ville natale de Joseph,  Bethléem, alors que Marie était enceinte.
Dur et long voyage pour un couple qui n’était pas riche; environ 140 km, à parcourir à pied et à dos d'âne si on en croit un célèbre film.  Le déplacement des foules était tel qu’à Bethléem, Joseph et Marie ne trouvèrent pas de place pour se loger, dans ce qui était sans doute le caravansérail. Une grotte, ou une grange, peut-être une étable, dit-on, fut le seul abri qu’ils trouvèrent et c’est là, dans une grande pauvreté, que naquit leur fils, Jésus. Marie mit au monde son fils premier-né ; elle l'emmaillota et le coucha dans une mangeoire (Lc 2,7)
Ainsi le puissant empereur de Rome ignorait que, sur son ordre, naissait ce petit enfant qui devait bouleverser le monde, accomplissant enfin les prophéties qui avaient annoncé un Messie chez les Juifs."
-"Tu es allé deux fois en pèlerinage en Israël. Tu connais le pays où se déroula ce voyage exténuant sans doute pour une toute jeune femme enceinte."
-"Oui, en effet. Cependant, avant d'évoquer la naissance de l'enfant, il faut que je te raconte deux événements majeurs qui l'ont précédée: d'abord l'Annonciation puis la visite de Marie à sa cousine Élisabeth."
-"Je suis tout ouïe, mon ami. Je t'écoute."


-"L'Annonciation. Un ange vient annoncer à Marie qu'elle va enfanter le Sauveur."
-"Pardonne-moi de t'interrompre, mais comment sait-on ce qui s'est dit entre l'ange et Marie, car je suppose qu'il n'y avait pas de témoin?"
-"En effet, tu supposes bien. Je vais ouvrir une parenthèse. L'évangéliste Luc a rapporté cette scène. Il ne peut pas l'avoir inventée. Il faut donc supposer que Luc a recueilli directement le contenu de cet événement auprès de Marie. Il faut aussi noter que Luc est le seul à raconter d'autres épisodes de la vie de Jésus; outre l’Annonciation, je citerai la Visitation, la visite des bergers à la crèche, la venue des rois mages, Jésus parmi les docteurs de la Loi. Son évangile aurait été écrit entre 60 et 80. En ce cas, Jésus n’étant plus de ce monde depuis l’an 30 (ou 31), qui a renseigné saint Luc ? De qui a-t-il recueilli des informations si précises sur l’Annonciation, la Visitation, etc. Se pourrait-il que Luc ait rencontré Marie ? Luc a-t-il été renseigné par Jean qui a recueilli Marie après le départ de Jésus ? Questions sans réponses à notre connaissance, et qui ne doivent pas nous arrêter; n'oublions pas qu'il n'y a pas de biographies de ces hommes et femmes. Avancer une date de naissance ou de décès est pure conjecture."

-"Bien. Que peux-tu me dire sur l'Annonciation?"
-"Comme tu as avec toi une bible, ouvre-la et cherche dans l'évangile de Luc au chapitre 1, versets 28 à 38. Tu y es?"
-"Oui."
-"La scène nous est bien connue. L'archange Gabriel vient annoncer à Marie qu'elle enfantera de l'Esprit Saint le fils de Dieu. Dieu propose et attend une réponse. Elle sera donnée, en toute liberté : « Voici la servante du Seigneur ! Qu'il me soit fait selon ta parole. » Marie devient la mère de Jésus, le Messie tant espéré et attendu par les Juifs. Nous savons que Marie deviendra, au pied de la croix, la Mère de l'Église, puis les chrétiens verront en elle la Mère du Sauveur avant qu’elle ne devienne, beaucoup plus tard, la Mère de Dieu. Dieu commence en Marie sa vie humaine qui le conduira jusqu'à la Croix, la mort et la Résurrection, jusqu'à la Gloire finale.

L'Annonciation et l'Incarnation ne sont, pour ainsi dire, qu'un seul et inséparable mystère. Depuis plus de quatre mille ans, la terre attendait le Sauveur promis.
Qui pouvait bien être choisie pour être celle qui, d'après les plans divins, doit donner naissance au Sauveur du monde? Où vit-elle? Est-ce une femme remarquable et célèbre? Rien de tout cela.  Il y a dans une petite bourgade de Palestine à la réputation douteuse [Jn 1,46], à Nazareth, une humble et pauvre maison où habite une jeune vierge inconnue ; son nom est Marie. Elle est l’épouse d'un ouvrier charpentier, Joseph.
L'ange soudain paraît devant elle : "Je vous salue, pleine de grâce, dit-il, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes!" Marie se trouble, à ces étonnantes paroles.  Quel honneur et quel bonheur! Pourquoi? Pour donner naissance au Sauveur? Mais comment s'opérera cette merveille en celle qui a voué à Dieu sa virginité? La réponse est facile à l'envoyé du Ciel :
"L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c'est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu."
Marie n'a plus qu'à prononcer le oui qui va faire tressaillir la terre d'espérance.
Il est facile de comprendre cet événement dans la perspective de l'histoire d'Israël, le peuple élu dont Marie est fille, mais il est facile aussi de le comprendre comme la réponse aux questions fondamentales de l'humanité. Dieu va au-devant de notre inquiétude. Il ne s'agit pas seulement ici de paroles de Dieu révélées par les prophètes, mais, au moment où Marie dit oui, le Verbe se fait réellement chair [Jn 1,14]. Marie atteint ainsi une telle union à Dieu qu'elle dépasse toutes les attentes de l'esprit humain. Elle dépasse même les attentes d'Israël. Ce n'est que par la force de l'Esprit Saint « venu sur elle » que Marie pouvait accepter ce qui est « impossible aux hommes, mais possible à Dieu » (Mc 10,27)"

Candide avait écouté attentivement. Elle tentait de saisir l'importance de ce récit pour les hommes et femmes de tous les temps, de toutes les nations, de toutes les pensées.
-"J'ai beaucoup de questions à te poser?" dit-elle.
-"Je n'en doute pas. Je te propose de les noter et nous verrons plus tard en détail la signification de l'Annonciation. Il en sera de même pour ce que je vais te dire sur la visite de Marie à sa cousine Élisabeth, récit plus connu sous le vocable "La Visitation."
-"D'accord."
-" Après avoir annoncé à Marie le mystère de l'Incarnation, l'archange Gabriel la prévient que sa cousine Élisabeth, âgée et jusque là stérile, sera mère dans trois mois:
" Voici qu'Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu'on l'appelait : 'la femme stérile'.  Car rien n'est impossible à Dieu."
Toute à la joie de sa maternité future, Marie ne tarde pas à se mettre en route pour féliciter l'heureuse mère. Note bien que Marie ne doute pas un instant de la parole de l'ange. A-t-elle besoin du signe que lui donne l'ange en annonçant la venue d'un enfant pour sa cousine?

Marie possédait en elle, avec Jésus, toutes les richesses et toutes les joies du ciel ; cela lui suffisait. Elle voyait, dans l'accomplissement de cette visite, une occasion de glorifier Dieu. La rencontre des deux futures mères, et surtout des deux enfants qu'elles portaient, était dans les desseins de Dieu. Marie n'hésita pas à s'exposer aux fatigues d'un long chemin (110 km à vol d’oiseau à travers la Samarie).
Marie n'a pas été retenue par les rigueurs d’un voyage, dur et périlleux en son état, ni du service à rendre à sa cousine. Marie resta auprès d'Élisabeth environ trois mois.
Ouvre maintenant ta bible au chapitre 1, versets 39 à 56 de l'évangile de Luc. Lis ce passage tranquillement, et attache-toi surtout aux versets 46 à 55; ils composent ce qu'on appelle le Magnificat."

Candide se concentra sur sa lecture, avec un silence que Théophile ne troubla pas.
Enfin, elle leva les yeux de sa bible et dit à Théo : "C'est beau! C'est magnifique, si j'ose dire! Je comprends pourquoi tu souhaites que nous en reparlions plus tard. Je te remercie de tout ce que tu m'as dit avant la fête de Noël. J'espère que je la vivrai plus intensément que les quelques fois où j'y suis allée par curiosité. Merci, Théo… Et joyeux Noël!"

Nos deux amis se donnèrent rendez-vous pour la messe de minuit.
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Prochain texte
L'enfance de Jésus
le 31 décembre
si Dieu le permet.
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Illustrations
Giotto - la naissance de Jésus
Baldovinetti - L'annonciation
Domenico Ghirlandaio - La Visitation

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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.

Le 20 décembre 2016

samedi 17 décembre 2016

Un Sauveur nous est donné

Les entretiens du dimanche
14

Un Sauveur nous est donné




À la mémoire du Chanoine Marcel Bourland
qui fut pour moi un guide attentionné



Le dimanche précédent, Candide n'avait pas pu se rendre à la paroisse pour un entretien avec Théophile, car elle avait la grippe. Son état de santé s'étant amélioré, elle tenait à poursuivre sa démarche pour mieux connaître la religion de son ami Théophile. C'est son amie Cécile qui vint la chercher en auto, et toutes deux arrivèrent à la paroisse. Comme Théophile avait fait parvenir à Candide les notes qu'il avait prises sur le sujet relatif à la chronologie des écrits du Nouveau Testament, il entreprit de parler du thème choisi: un Sauveur nous est donné.

- Candide prit la parole: "Pourquoi parles-tu d'un sauveur? Sauveur, mais de quoi et pour qui?"

- "Et bien, ça démarre fort, ma chère Candide, s'exclama Théo. Par définition,
un sauveur est celui ou celle qui tire quelqu'un d'une situation critique où il risque de perdre la vie ou ce qui est sa raison de vivre. C'est le nom donné à Jésus-Christ envoyé ici-bas pour sauver les hommes. Il ne faut pas confondre sauveur et sauveteur : le sauveteur est celui qui prend part à un sauvetage, c'est-à-dire à l'action de retirer quelqu'un ou quelque chose d'une situation critique. J'ajouterai la définition du mot salut : le salut est le bonheur éternel qui résulte du fait d'être sauvé de l'état de péché et des souffrances liées à notre existence dans un monde sensible, et qui affectent notre corps et nous renvoient à notre finitude."
-" C'est ce qu'on m'avait expliqué au catéchuménat, dit Cécile."

         Candide était dubitative. Le péché, certes, elle savait à peu près de quoi voulait parler Théophile. Les souffrances, c'était très clair. Restait le bonheur éternel, qui, pour elle, était une notion assez floue, parce qu'elle ne savait pas encore avec précision et clarté ce qui était l'essentiel de la foi de son ami Théo.
"Sauveur, sauveteur, j'ai saisi la nuance. Mais pourquoi les chrétiens parlent-ils de Jésus comme d'un sauveur? Vous écrivez d'ailleurs Sauveur avec une majuscule!"

-"Candide, tu as eu raison de demander <Sauveur, mais de quoi et pour qui?> Avant de te répondre, il faut que j'apporte quelques informations sur le cheminement spirituel des juifs et des chrétiens."

Théophile vit que Cécile était très attentive à ses propos. Il poursuivit:
-"Tout commence avec une prophétie attribuée à Isaïe. Les biblistes estiment que le livre d'Isaïe a été écrit par plusieurs auteurs, sur une période très longue. Aussi, faisons simple. Je vous rappelle, mes amies, qu'une prophétie est l'annonce d'un événement qui s'inscrit dans un futur plus ou moins lointain, et qui se réalisera; sans cette réalisation, on ne parle pas de prophétie.
L'annonce d'un sauveur se trouve très vraisemblablement dans un passage du prophète Isaïe. Le voici :
Is 7,14 - … Le Seigneur lui-même vous donnera un signe : voici que la jeune femme est enceinte, elle va enfanter un fils et elle lui donnera le nom d'Emmanuel.

Comment faut-il comprendre ce texte ? Si on s'en réfère aux notes explicatives données par les bibles, le signe que le Seigneur, c'est-à-dire Dieu, donne est la naissance d'un garçon. De quelle jeune femme s'agit-il ? Au moment où ces paroles sont prononcées, il s'agit probablement de l'épouse royale. Il faut sans aucun doute rejeter l'idée qu'il s'agit de n'importe quelle jeune femme, puisque le prophète rapporte les paroles de Dieu au roi. L'oracle s'adresse à la maison de David dans une situation où la dynastie royale est en cause. L'enfant dont il s'agit est donc l'héritier de la dynastie. Mais dès le deuxième siècle avant J.-C., et peut-être même avant, la tradition juive a vu dans cette naissance exceptionnelle, attendue dans le futur, la naissance virginale du Messie, c'est-à-dire que le Messie naîtrait d'une femme encore vierge.
         Ces précisions se trouvent dans les notes explicatives des bibles.

L'évangéliste Matthieu reprendra la prophétie d'Isaïe sous une forme personnelle (Mt 1,18-25). Je ne vous cite pas en entier ce passage, je n'en retiens que quelques phrases :
       <Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph ; or, avant qu'ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l'action de l'Esprit Saint. Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la répudier en secret. Il avait formé ce projet, lorsque l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit: “ Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse : l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint ;  elle mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire: Le-Seigneur-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
Tout cela arriva pour que s'accomplît la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra et elle mettra au monde un fils, auquel on donnera le nom d'Emmanuel, qui se traduit : “ Dieu-avec-nous ”.
Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l'ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse, mais il n'eut pas de rapports avec elle ; elle enfanta un fils, auquel il donna le nom de Jésus.>
Remarquons que l'ange n'a pas donné à l'enfant le nom d'Emmanuel mais celui de Jésus."

Théophile fit une pause, car ses deux amies avaient écouté attentivement; il fallait leur laisser le temps de "digérer" ces explications. Pour favoriser leurs réflexions, il leur proposa un café qu'elles acceptèrent avec plaisir.

-"Théo, dis-moi, demanda Candide. Tu as parlé de Messie. Je te cite: dès le deuxième siècle avant J.-C., la tradition juive a vu dans cette naissance exceptionnelle, attendue dans le futur, la naissance virginale du Messie, c'est-à-dire que le Messie naîtrait d'une femme encore vierge.
Cette tradition n'envisage pas le messie comme un sauveur, semble-t-il? Mais saint Matthieu parle d'un sauveur, puisque c'est la signification du nom de Jésus. Jésus signifie Le-Seigneur-sauve, et Emmanuel Dieu-avec-nous."
-"Oui, lui répondit Théo. C'est ce qui explique que les contemporains de Jésus vont se diviser en deux camps: ceux qui le croient et deviendront ses disciples, et ceux qui lui dénieront toute autorité, allant même jusqu'à vouloir sa mort. Rappelez-vous que Jésus a dit :
«N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. (Mt 5,17)
ce qui signifie que Jésus n'est venu ni détruire la Loi, ni la consacrer comme intangible, mais lui donner par son enseignement et son comportement une forme nouvelle et définitive, où se réalise enfin en plénitude ce vers quoi la Loi acheminait. Aucun détail de la Loi ne doit donc être omis à moins d’avoir été ainsi conduit à son achèvement. L’amour, où déjà se résumait la Loi ancienne, devient le commandement  nouveau de Jésus, et accomplit toute la Loi.
         Matthieu n’est pas le seul à penser que les Écritures s’accomplissent en Jésus. Aux yeux de Jésus et de ses disciples, Dieu a annoncé ses desseins, soit par des paroles soit par des faits, et la foi des chrétiens découvre que l’accomplissement des textes bibliques dans la personne de Jésus Christ ou dans la vie de l’Église manifeste l’accomplissement réel des vues de Dieu. C'est pour cela que Jésus a inlassablement enseigné les foules, pour les sauver, c'est-à-dire les amener à vivre selon les desseins de Dieu, et fuir les occasions de pécher.

 Rappelez-vous également que des pharisiens ont contesté l'autorité de Jésus. Ainsi en Mt 21,23 :
Il était entré dans le Temple et il enseignait, quand les grands prêtres et les anciens du peuple s'approchèrent et lui dirent : «Par quelle autorité fais-tu cela? Et qui t'a donné cette autorité?»
mais les foules semblaient être d’un avis différent , comme en Mt 7,28-29 :
Et il advint, quand Jésus eut achevé ces discours, que les foules étaient frappées de son enseignement :  car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes. 

         De son temps, Jésus fut un sujet d’étonnement et de questionnement. Dans les prophéties, on ne trouve aucune précision sur la nature du Messie-Sauveur : sera-t-il un roi temporel ou bien sera-t-il un envoyé de Dieu, et encore quel type d'envoyé ? On se rappellera ici la confusion qui était présente dans l'esprit des autorités juives lorsque Jean le Baptiste prêchait dans le désert (Jn 1,19), confusion qui sera encore confirmée plus tard lorsque Jésus lui-même demandera à ses disciples : « Pour vous qui suis-je ?, Et pour les gens qui suis-je ? » (Mt 16,13.15)
         Ce questionnement se poursuivra encore dans les siècles à venir après le départ du Christ pour le ciel, et il faudra quelques conciles pour fixer la doctrine chrétienne sur la question: qui est Jésus ? Mais nous en reparlerons une autre fois, si vous le voulez bien, car il se fait tard.
        
         Avant de nous quitter, je pense que vous avez compris que l'enseignement de Jésus est la règle de vie de tout chrétien, et qu'il ne faut pas ignorer l'Ancien Testament, ce qui est quelquefois mal reçu, nous en avons fait l'expérience avec certains chrétiens très pratiquants. Jésus est le Sauveur qui nous mènera auprès de Dieu quand notre vie terrestre sera achevée.
         Nous nous retrouvons dimanche prochain ? »
-"Évidemment, Théophile. À bientôt et merci de tes informations qui vont nourrir notre réflexion ces jours à venir, lui affirmèrent Candide et Cécile."


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Proposition de méditation
Temps de l’Avent
Année A
Quatrième dimanche

Textes : Is 7,10-16 ; Ps 24 (23); Rm 1,1-7 ; Mt 1,18-24
Les textes de la première lecture et de l’évangile offrent un contraste saisissant sur l’attitude de l’homme par rapport à sa relation avec Dieu. Le passage du livre d’Isaïe nous rapporte qu’un roi d’Israël, Acaz, refuse tout net de prier Dieu pour lui demander un signe, en arguant qu’il ne faut pas mettre Dieu à l’épreuve. Pourquoi ce refus ? Nous allons le voir un peu plus loin. L’évangile nous montre le trouble de Joseph après qu’il eut appris la maternité future de Marie, avec laquelle il est fiancé, ce terme ayant à l’époque plus de force qu’aujourd’hui, puisqu’il signifiait un engagement mutuel si réel que le fiancé était désormais considéré comme marié et qu’il ne pouvait se dégager qu’en répudiant publiquement la fiancée, qui subissait alors la mort par lapidation (Dt 22,20-21). Dieu va lui donner un signe. Notre réflexion portera donc sur les signes que Dieu adresse aux hommes.

Revenons au roi Acaz. Le contexte nous apprend que le royaume est en guerre avec deux pays ennemis, si puissants que la fin du royaume d’Israël est certaine.  Le roi Acaz est en fait un roi faible, qui malheureusement appartient à ce type de personne qui, par orgueil et aveuglement, ne croit qu’en l’homme. Or si l’issue de la guerre est fatale à son royaume, la promesse de Dieu concernant le Messie ne pourra pas se réaliser, parce que la lignée de David dont doit sortir le Messie sera rompue (Ps 131,11). Cela ne se peut et c’est pourquoi un signe est proposé au roi, qui le refuse ; mais Dieu ne peut pas accepter et c’est pourquoi le prophète intervient. Sa prophétie obéit au mécanisme bien connu qui repose sur deux termes : une partie de la prophétie fait allusion à un événement qui surviendra dans un futur non précisé, et un deuxième événement aisément reconnaissable se réalise dans un futur proche, garantissant ainsi le premier.

On sait ce qu’il advint : le messie annoncé est venu quelques centaines d’années plus tard, réalisant la promesse : « Voici que la jeune femme est enceinte, elle enfantera un fils, et on l'appellera Emmanuel » Abandonnons Acaz à ses  soucis pour revenir à Joseph.

Joseph se trouve devant une situation qui, humainement parlant, ne laisse planer aucun doute sur la conduite répréhensible de Marie, conduite qui, d’après la Loi juive, va être fatale à Marie si elle est révélée publiquement par la répudiation.  Mais Joseph est un homme juste, qui pressent qu’un événement hors du commun dépasse son intelligence. Joseph a placé toute sa vie dans la main de Dieu. Aussi est-il amené à penser que la vie de Marie est également offerte à Dieu. Joseph est convaincu de la vertu de Marie, il ne voit en elle aucun penchant mauvais : il entrevoit que ce qui arrive à Marie ne peut pas résulter d’un acte licencieux. Ce n'est pas du tout d'une façon idyllique et peu durable que Joseph aime Marie. L’amour entre eux est plein de délicatesse, de limpidité et de pureté ; c’est un amour d'une très grande force. Joseph a reconnu l'amour authentique de Marie pour Dieu. Et c’est pourquoi il ne veut pas la livrer à la justice brutale des hommes.

Dieu va l’éclairer, car Dieu n’est pas indifférent à ce qu’il a créé avec tant d’amour, et c’est pourquoi il intervient dans l’histoire d’un homme ou d’un peuple pour que vienne le règne messianique. Dieu donne à chacun de nous des signes de sa présence dans notre vie, selon des modalités que lui seul choisit, parce qu’il a souci de nous conduire à lui et de ne pas nous laisser nous perdre (2 P 3,8-10) ; il veut que tous aient le temps de se convertir. Nous recherchons ces signes, ou nous pouvons délibérément vouloir les ignorer ; souvent la quête est difficile, subtile, troublante, voire déroutante.

Des deux lectures, nous pourrions tirer plusieurs leçons pour notre vie mais c’est sur le signe que nous voudrions insister. Ceux qui ont une grande pratique de la prière et de l’adoration savent que la réalité est bien celle-là : Dieu nous donne des signes. Mais ces signes ne sont perceptibles que si nous les recherchons par une disposition de tout notre être à accueillir Dieu. Il y a des signes visibles, pour ainsi dire tellement banals que nous oublierions presque que c’est Dieu qui est présent dans notre histoire : ce sont les sacrements, témoignages de la présence active de Dieu dans son Église. Mais il y a d’autres signes, plus discrets, que Dieu nous réserve. Ce sont ces signes qui peuvent nous échapper si notre vie religieuse se limite à quelques instants, chichement concédés à Dieu. En ce cas, il ne faut pas s’attendre à autre chose qu’au dépérissement de la foi et de la pratique assidue à la vie de prière, de sacrement et de charité ; les signes de Dieu sont alors perdus à cause de notre aveuglement et de notre surdité.

Nous approchons de Noël, et nous ne voudrions pas achever notre réflexion sans méditer encore l’exemple de Marie et de Joseph. Ce qui est beau chez Marie et chez Joseph, c'est leur fidélité et leur confiance inébranlable à l'Esprit Saint dont les voies sont imprévisibles. Si Marie a accepté l’honneur et la mission que Dieu lui confiait, Joseph, quant à lui, fut troublé par la situation à laquelle il était confronté. Quoi qu’il en soit, tous deux acceptèrent ce que cette double Annonciation leur demandait. Ce qui nous est  difficile, à nous, c'est d'admettre l'imprévisible action de Dieu dans notre vie.  Nous pensons être prêts à tout, mais quand Dieu nous demande notre engagement sur un chemin dont le but nous dépasse, nous cherchons sans doute d’abord comment y échapper, en oubliant peut-être de prendre le temps de la prière. Marie et Joseph nous donnent l’exemple d'une vie simple qui reconnait que Dieu puisse intervenir et bousculer leurs plans.

C'est ainsi que  Marie et Joseph nous préparent à Noël : nous fêterons non seulement la naissance de Jésus, Verbe de Dieu venu en ce monde, vrai Dieu venu partager la condition humaine, mais nous fêterons aussi Dieu qui intervient dans notre vie personnelle, par amour pour nous. Il intervient souvent, nous donnant de multiples signes de sa patience, de sa tendresse, de sa miséricorde. A celui qui sait observer, tout est Parole de Dieu, même ce qui a priori le dépasse. Noël est une fête, une fête où les familles échangent des signes d’affection ce qui est bien naturel, mais là n’est pas l’essentiel ;  Noël est avant tout la fête de la venue de Dieu parmi nous. C’est avec Marie et Joseph qu'il faut préparer Noël, en méditant, en toute occasion, cette phrase de l'Évangile de ce jour : « Tout cela arriva pour que s'accomplît la Parole du Seigneur » (Mt 1,22). Viens, Seigneur Jésus. Nous t’attendons pour vivre avec toi.

Amen.

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Prochain texte
Noël
ou un titre correspondant à cette période
le 24 décembre
si Dieu le permet.
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Illustration
Botticelli- La Madone du Magnificat (1485)
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Chers lecteurs, si vous avez des remarques, des observations ou des questions, écrivez-moi à l'adresse jacques.choquet2@orange.fr
À suivre chaque dimanche … si vous le voulez bien.
Le 17 décembre 2016